Composition minimaliste montrant une main interagissant naturellement avec une interface épurée, sans friction visible
Publié le 15 mars 2024

Le secret d’un design réussi n’est pas son esthétique, mais sa capacité à devenir invisible en éliminant toute friction mentale pour l’utilisateur.

  • Une interface efficace respecte les lois fondamentales de la psychologie cognitive pour guider l’utilisateur sans effort.
  • La cohérence, assurée par un « design system » robuste, est plus importante qu’une simple charte graphique pour réduire la charge mentale.

Recommandation : Pensez d’abord à l’économie cognitive de l’utilisateur et à l’intuitivité de son parcours ; l’harmonie visuelle en découlera naturellement.

Vous avez passé des semaines à peaufiner chaque pixel de votre nouvelle application. La palette de couleurs est audacieuse, la typographie est tendance, les animations sont fluides. Pourtant, les utilisateurs se perdent, le taux de conversion stagne et les retours sont mitigés. Cette frustration est commune : se concentrer sur l’aspect esthétique d’une interface en oubliant sa mission première : être un outil efficace et intuitif. On juge une interface à sa beauté, alors qu’on devrait la juger à son silence.

La plupart des conseils se focalisent sur des éléments de surface : choisir les bonnes couleurs, trouver la police parfaite, créer une charte graphique. Ces éléments sont importants, mais ils ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Ils ne répondent pas à la question fondamentale : comment le cerveau humain perçoit-il et interagit-il avec une structure numérique ? L’obsession pour le « beau » nous fait oublier l’essentiel : l’ergonomie cognitive. Et si la véritable clé d’un design réussi n’était pas de créer une expérience visuelle mémorable, mais de concevoir un chemin si fluide qu’il en devient invisible pour l’esprit de l’utilisateur ?

Cet article adopte une approche de psychologue cognitiviste pour décortiquer les principes d’un design qui fonctionne. Nous allons explorer comment les lois de la perception, la structure d’un design system, ou encore la gestion des choix influencent directement la charge mentale de vos utilisateurs. L’objectif n’est plus de créer une interface « jolie », mais de bâtir une interface silencieuse, qui guide sans jamais imposer, qui sert sans jamais distraire, et qui, finalement, se fait totalement oublier.

Pour ceux qui préfèrent un format plus direct, la vidéo suivante explore justement pourquoi l’intégration des sciences cognitives est un atout majeur et souvent sous-estimé dans la conception d’expériences utilisateur réussies.

Pour structurer cette exploration au cœur de l’interface invisible, nous aborderons les piliers fondamentaux qui permettent de passer d’un design subjectif à une conception rationnelle et centrée sur l’humain. Chaque section décryptera un aspect essentiel de cette démarche.

Ne luttez pas contre le cerveau de vos utilisateurs : 5 lois de la psychologie à appliquer pour une interface intuitive

Concevoir une interface sans comprendre les lois de la psychologie cognitive, c’est comme construire un bateau sans connaître les principes de la flottabilité. Vous pouvez créer un objet magnifique, mais il coulera. Une interface intuitive ne naît pas du hasard ; elle est le résultat de l’application de principes qui gouvernent la perception et la prise de décision humaine. L’un des plus fondamentaux est la loi de Hick-Hyman, qui stipule que le temps nécessaire pour prendre une décision augmente avec le nombre et la complexité des choix. Comme le résume bien une analyse sur la psychologie du design, le temps nécessaire pour prendre une décision augmente proportionnellement à la quantité d’options. Chaque bouton, chaque lien, chaque information supplémentaire que vous ajoutez à votre interface est une potentielle source de friction mentale.

Pour rendre un concept abstrait comme la « charge cognitive » plus concret, visualisons son impact. L’image ci-dessous compare une interface chaotique, où l’information est désorganisée, à une interface où les mêmes éléments sont structurés selon des principes psychologiques simples comme le regroupement par proximité (loi de la Gestalt) et la simplification des choix (loi de Hick).

Comparaison visuelle d'une navigation chaotique versus réorganisée selon les lois de Hick et Fitts

La différence est frappante. Sur la gauche, l’utilisateur est paralysé, ne sachant où regarder. Sur la droite, son regard est guidé, la décision est facilitée. Il ne s’agit pas de « décoration », mais d’économie cognitive. L’application rigoureuse de ces lois n’est pas un simple plus : des études empiriques démontrent qu’elle peut conduire à une amélioration de 50% à 70% de l’efficacité des équipes de design, car elles cessent de débattre sur des goûts subjectifs pour se concentrer sur des règles objectives. L’objectif est simple : faire en sorte que l’utilisateur atteigne son but avec le minimum d’effort mental.

Votre site est un puzzle incohérent ? Pourquoi il vous faut un « design system » (et non une simple charte graphique)

Beaucoup d’entreprises possèdent une charte graphique : un logo, des couleurs, une police. C’est un bon début, mais c’est l’équivalent d’un dictionnaire pour une langue. Un « design system », c’est la grammaire qui l’accompagne. Il ne se contente pas de lister les ingrédients (les couleurs, les typos), il définit les règles pour les assembler de manière cohérente et prévisible. C’est un référentiel unique et centralisé de composants (boutons, formulaires, cartes) avec leurs règles d’utilisation, leur code et leur documentation. Pourquoi est-ce si crucial ? Parce que l’incohérence est une source majeure de charge cognitive. Si un bouton « Valider » est bleu sur une page, vert sur une autre, et un simple lien sur une troisième, vous forcez l’utilisateur à réapprendre les règles à chaque écran. Vous cassez le pacte de confiance et d’intuitivité.

L’investissement dans un design system n’est pas une dépense, mais un levier stratégique. Des recherches empiriques menées par des agences comme Sparkbox confirment des gains d’efficacité spectaculaires : jusqu’à 50% de gain pour les équipes de design et 47% pour les équipes de développement. Ce temps n’est plus perdu à réinventer la roue ou à débattre de la taille d’un bouton ; il est réalloué à la résolution de problèmes complexes pour l’utilisateur. Le design system devient la source unique de vérité, garantissant une expérience unifiée sur tous les points de contact de la marque, du site web à l’application mobile.

Étude de cas : Le Design System comme actif stratégique

Une entreprise SaaS engage un designer UI talentueux pour concevoir une nouvelle fonctionnalité. Le designer crée des maquettes magnifiques, mais sans design system, les développeurs doivent interpréter ses choix, créant des incohérences avec le reste de la plateforme. Six mois plus tard, une autre équipe lance un nouveau module, et le cycle recommence. L’entreprise se retrouve avec un produit fragmenté, coûteux à maintenir. En investissant dans un design system mature, l’entreprise aligne ses équipes. Les coûts de maintenance diminuent, les mises à jour se propagent instantanément, et le lancement de nouveaux produits devient exponentiellement plus rapide et moins cher, transformant le design system en un véritable multiplicateur de valeur.

La puissance d’un design system réside dans sa capacité à créer une grammaire visuelle que l’utilisateur apprend une seule fois. Une fois qu’il a compris qu’un bouton primaire est un rectangle bleu arrondi, il le reconnaîtra instantanément partout, libérant ses ressources mentales pour se concentrer sur sa tâche, et non sur le déchiffrage de l’interface.

La typographie, l’arme secrète des interfaces réussies : comment bien choisir et utiliser vos polices

La typographie est souvent perçue comme un choix purement esthétique. On choisit une police « moderne » ou « élégante » pour refléter l’image de marque. C’est une erreur fondamentale. Dans une interface, 95% de l’information est textuelle. La typographie n’est donc pas de la décoration, c’est l’interface elle-même. Une mauvaise typographie crée de la friction visuelle, force l’utilisateur à plisser les yeux, à relire, et augmente sa charge cognitive sans même qu’il s’en rende compte. Une bonne typographie, à l’inverse, est transparente. Elle délivre l’information sans effort.

Les critères de choix doivent donc être avant tout fonctionnels :

  • Lisibilité : Les formes des lettres sont-elles distinctes (ex: ‘I’ majuscule, ‘l’ minuscule et ‘1’) ?
  • Hauteur d’x : Une hauteur d’x élevée (la hauteur des lettres minuscules comme x, a, e) améliore la lisibilité, surtout en petite taille.
  • Flexibilité : La police dispose-t-elle de plusieurs graisses (regular, bold, light) pour créer une hiérarchie visuelle claire ?

L’innovation technologique a d’ailleurs renforcé ce rôle fonctionnel. L’avènement des « Variable Fonts » (polices variables) est une révolution. Plutôt que de charger plusieurs fichiers de police pour chaque graisse (light, regular, medium, bold, black…) et chaque style (italic), une police variable contient toutes ces variations dans un seul et même fichier. Cela permet d’ajuster finement le poids, la largeur ou l’inclinaison de la police avec une précision infinie, mais surtout, cela a un impact drastique sur les performances web. On passe d’une douzaine de requêtes serveur à une seule. Cela rend le site plus rapide, ce qui réduit la frustration de l’attente, une autre source de charge cognitive.

De plus, cette technologie est un atout majeur pour l’accessibilité. Comme le soulignent les experts en compatibilité web, les polices variables permettent aux utilisateurs de redimensionner le texte de manière fluide sans « casser » le design, respectant ainsi les normes d’accessibilité WCAG. En permettant d’ajuster dynamiquement le poids et la largeur, on peut optimiser la lisibilité pour des contextes variés, des petits écrans mobiles aux utilisateurs malvoyants qui ont besoin d’un contraste plus élevé. La typographie devient alors un outil adaptatif au service de tous.

Le secret d’une palette de couleurs réussie : la règle du 60-30-10 qui transformera votre design

Le choix des couleurs est un autre domaine où l’instinct subjectif mène souvent au chaos visuel. « J’aime le bleu » n’est pas une stratégie de design. Pour créer une interface harmonieuse et fonctionnelle, il faut une structure. La règle du 60-30-10, empruntée au design d’intérieur, est un cadre extraordinairement efficace pour y parvenir. Elle propose une distribution équilibrée des couleurs pour guider l’œil de l’utilisateur et créer une hiérarchie visuelle claire.

Le principe est simple :

  • 60% pour la couleur dominante : C’est la couleur principale, souvent neutre (un blanc cassé, un gris clair), qui occupe la majorité de l’espace. Elle sert de toile de fond et assure la respiration de l’interface.
  • 30% pour la couleur secondaire : Cette couleur complémentaire est utilisée pour mettre en évidence des zones importantes mais non interactives, comme des encadrés, des bandeaux ou le fond d’une section. Elle crée le contraste et dynamise la composition.
  • 10% pour la couleur d’accent : C’est la couleur la plus vive de la palette. Son rôle est crucial : elle doit être réservée exclusivement aux éléments qui requièrent une action de l’utilisateur (boutons, liens, icônes interactives) et aux notifications importantes. C’est elle qui crie « clique ici ! ».

Cette règle transforme le choix des couleurs d’un acte artistique à un acte fonctionnel. En conditionnant l’utilisateur à associer la couleur d’accent à l’interactivité, vous réduisez sa charge cognitive : il n’a plus à se demander si un élément est cliquable ou non.

Palette visuelle montrant la distribution 60-30-10 avec codes couleurs sémantiques (succès, erreur, avertissement)

Au-delà de cette règle de distribution, la couleur doit servir une fonction encore plus essentielle : l’accessibilité. Une belle palette de couleurs qui rend le texte illisible est un échec de design. Les directives pour l’accessibilité du contenu Web (WCAG) sont très claires à ce sujet. Pour garantir que les personnes malvoyantes puissent lire votre contenu, il est impératif de respecter des ratios de contraste minimum. Selon les directives d’accessibilité du W3C, un ratio de 4.5:1 est requis pour le texte de taille normale et de 3:1 pour le grand texte (niveau AA). Une interface invisible est avant tout une interface lisible par tous.

Les designs de la honte : êtes-vous victime de ces « dark patterns » qui vous manipulent au quotidien ?

Si une bonne interface est une conversation honnête et fluide, un « dark pattern » est un mensonge. Ce terme, popularisé par le designer UX Harry Brignull, désigne une interface utilisateur délibérément conçue pour tromper les gens et les pousser à effectuer des actions qu’ils ne souhaitent pas, comme s’abonner à une newsletter, acheter une assurance supplémentaire ou rendre la désinscription quasi impossible. Ce ne sont pas des erreurs de design, mais des techniques de manipulation psychologique calculées. Elles exploitent nos biais cognitifs (la peur de manquer quelque chose, l’aversion à la perte, le désir de conformité) pour servir les intérêts de l’entreprise au détriment de ceux de l’utilisateur.

Les dark patterns sont des choix d’interface utilisateur soigneusement conçus pour tromper les utilisateurs et les inciter à faire des choses qu’ils n’auraient pas autrement faites, souvent par le biais de manipulations psychologiques.

– Harry Brignull, UX Designer

Il est crucial de distinguer la persuasion éthique, qui guide l’utilisateur vers une action bénéfique pour lui (comme mettre en avant un produit mieux noté), de la manipulation pure. Le tableau suivant illustre ce spectre, de la pratique vertueuse au pattern trompeur.

Spectre de la persuasion : du design persuasif éthique aux dark patterns
Type de Design Intention Exemple Impact Utilisateur
Design persuasif éthique Guider les utilisateurs vers des décisions bénéfiques Preuve sociale (avis vérifiés), recommandations personnalisées Positif – renforce confiance et satisfaction
Design persuasif borderline Influencer les comportements de consommation Urgence artificielle (offre limitée), mise en avant des CTA Neutre – peut générer de l’inconfort
Dark patterns trompeurs Manipuler les utilisateurs pour l’avantage exclusif de l’entreprise Coûts cachés, confirmshaming, inscription automatique Négatif – détériore confiance et génère frustration

Si ces techniques peuvent générer des gains à court terme (plus de clics, plus d’inscrits), leur coût à long terme est dévastateur. Comme le démontre le Nielsen Norman Group, une autorité en matière d’ergonomie, les entreprises qui y ont recours subissent une érosion progressive de la confiance. L’étude montre que l’utilisation de dark patterns comme les coûts cachés ou le « confirmshaming » (culpabiliser l’utilisateur qui refuse une offre) mène à une augmentation des désabonnements et une mauvaise presse. Le gain d’une conversion volée ne pèse rien face à la perte d’un client fidèle et à la dégradation de la réputation de la marque. Une interface invisible est une interface honnête.

UX vs UI : la différence que même les professionnels confondent (et pourquoi c’est important)

La confusion entre Expérience Utilisateur (UX) et Interface Utilisateur (UI) est persistante, même chez certains professionnels. Pourtant, comprendre leur distinction est la clé de voûte de tout projet numérique réussi. Tenter de concevoir une UI sans stratégie UX, c’est comme choisir la couleur des murs avant d’avoir dessiné les plans de la maison. C’est prématuré et voué à l’échec. Pour clarifier, rien ne vaut une bonne métaphore.

L’UX est le scénario d’un film – l’histoire, l’émotion, le rythme. L’UI est la réalisation – les acteurs, les décors, la photographie. L’un ne fonctionne pas sans l’autre pour créer un chef-d’œuvre.

– Métaphore de design

L’UX Design est le processus stratégique et analytique. Il s’intéresse au « pourquoi » et au « comment ». L’UX designer est un architecte : il fait des recherches sur les besoins des utilisateurs, définit leurs parcours (journey maps), identifie les points de douleur et structure l’information pour que le produit soit utile, utilisable et efficace. L’UI Design, lui, est la concrétisation visuelle et interactive de cette stratégie. L’UI designer est un décorateur d’intérieur et un artisan : il choisit les couleurs, la typographie, dispose les éléments à l’écran et anime les interactions pour que le produit soit esthétique, cohérent et agréable à utiliser. Le tableau suivant résume ces distinctions clés.

Distinctions clés entre UX et UI dans la conception de produits digitaux
Aspect UX Design UI Design
Focus principal L’expérience globale et le parcours utilisateur L’apparence visuelle et l’interaction
Livrables Personas, wireframes basse-fidélité, journey maps, user flows Maquettes haute-fidélité, prototypes interactifs, design system
Phase du projet Amont (recherche, conceptualisation, planification) Aval (visualisation, prototypage, spécifications)
Outils typiques Entretiens utilisateurs, analyse compétitive, sketches Figma, Adobe XD, composants CSS, animations
Objectif Résoudre les problèmes utilisateurs et optimiser l’efficacité Créer une identité visuelle cohérente et attrayante

Étude de cas : L’erreur de casting

Une startup souhaite améliorer la rétention sur son application. Elle engage un brillant designer UI, réputé pour ses créations « pixel-perfect ». Le designer produit des maquettes visuellement époustouflantes, mais la rétention ne s’améliore pas. Le problème ? La startup avait besoin d’un chercheur UX pour comprendre *pourquoi* les utilisateurs partaient (problème de onboarding ? fonctionnalité manquante ?). En engageant un spécialiste de la forme (UI) pour un problème de fond (UX), l’entreprise a traité le symptôme (une interface vieillotte) et non la maladie (un parcours utilisateur défaillant). Cette erreur de casting, très fréquente, souligne à quel point il est vital de diagnostiquer le bon problème avant de chercher une solution.

Le paradoxe du choix : pourquoi trop d’options sur votre site paralyse vos utilisateurs (et comment y remédier)

L’intuition nous souffle que plus on offre de choix à un utilisateur, plus il sera satisfait. C’est une erreur fondamentale, brillamment théorisée par le psychologue Barry Schwartz sous le nom de « paradoxe du choix ». Confronté à un nombre excessif d’options, le cerveau humain ne se sent pas libéré, mais paralysé. L’effort mental requis pour évaluer chaque possibilité devient si grand que la décision est reportée, voire abandonnée. Pire encore, même si une décision est prise, elle est souvent accompagnée d’un sentiment de regret : « Ai-je fait le bon choix ? L’autre option n’était-elle pas meilleure ? ».

Les choix qui s’offrent à nous sont nombreux et variés pour notre plus grand bonheur, mais plus il y a de choix, plus nous devrions nous sentir heureux… mais ce n’est pas le cas. L’acte de choisir paralyse au lieu de libérer.

– Barry Schwartz, Le paradoxe du choix

Ce phénomène a été démontré empiriquement par la célèbre expérience des pots de confiture. Des chercheurs ont installé un stand de dégustation dans un supermarché. Un jour, ils proposaient 24 sortes de confitures ; le lendemain, seulement 6. Résultat : le stand avec 24 choix attirait plus de curieux, mais celui avec 6 choix générait dix fois plus de ventes. Une étude a confirmé que les consommateurs sont plus susceptibles d’acheter quand on leur propose un nombre limité d’options claires. Appliqué à une interface, un menu de navigation avec 30 liens, une page produit avec 15 configurations ou un formulaire avec 20 champs optionnels sont des recettes pour la paralysie décisionnelle.

Heureusement, il ne s’agit pas d’éliminer le choix, mais de le gérer intelligemment pour réduire l’anxiété de l’utilisateur. La clé est de présenter les options de manière progressive et guidée. Voici une checklist pratique pour désamorcer ce paradoxe sur votre propre site.

Plan d’action : désamorcer la paralysie décisionnelle

  1. Regrouper : Listez tous les choix offerts sur une page (liens, filtres, options) et regroupez-les en 3 à 5 catégories sémantiques claires et distinctes.
  2. Hiérarchiser : Identifiez l’option « par défaut » ou « recommandée » pour 80% des utilisateurs et mettez-la en évidence visuellement (ex: badge, couleur, pré-sélection).
  3. Simplifier : Masquez les options « avancées » ou moins fréquentes derrière un lien ou un accordéon (« Afficher plus d’options ») pour ne pas surcharger l’écran initial.
  4. Guider : Ajoutez des éléments de preuve sociale (« Populaire », « Meilleure vente », « x personnes ont choisi ») pour rassurer l’utilisateur et valider son choix potentiel.
  5. Tester : Présentez la version simplifiée de vos options à un utilisateur novice et mesurez le temps et la facilité avec lesquels il prend une décision.

À retenir

  • Le but ultime d’une bonne interface est l’économie cognitive : elle doit demander le moins d’effort mental possible à l’utilisateur.
  • La cohérence, obtenue grâce à un design system, est plus importante que l’originalité. Elle crée une grammaire visuelle qui rend l’interface prévisible et donc facile à utiliser.
  • Moins, c’est mieux : réduire le nombre de choix (paradoxe du choix) et la quantité d’informations à l’écran (charge extrinsèque) est la clé d’une interface efficace.

L’ergonomie web, c’est simple : ne faites pas réfléchir votre utilisateur. Jamais

S’il ne fallait retenir qu’une seule règle pour créer une interface invisible, ce serait celle-ci, popularisée par Steve Krug dans son livre « Don’t Make Me Think ». Chaque fois qu’un utilisateur doit s’arrêter et se demander « Où suis-je ? », « Que fait ce bouton ? » ou « Est-ce que cet élément est cliquable ? », vous avez échoué. Chacune de ces questions est une micro-friction, une dépense inutile de ressources mentales. L’accumulation de ces frictions crée une charge cognitive élevée qui mène à la frustration et à l’abandon. Comme le résume la théorie de la charge cognitive appliquée à l’UX, une interface performante est celle qui minimise la charge « extrinsèque », c’est-à-dire l’effort mental lié non pas à la tâche elle-même, mais à la manière dont l’information est présentée.

La charge cognitive se réfère à l’effort mental qu’un utilisateur doit fournir pour interagir avec une interface. Une interface invisible est celle qui minimise la charge ‘extrinsèque’ liée à la présentation de l’information.

– Théorie de la charge cognitive

Pour concevoir des interfaces qui ne font pas réfléchir, il faut comprendre les trois types de charge cognitive et savoir sur lesquels agir.

La charge intrinsèque est la complexité inhérente à la tâche (ex: remplir sa déclaration d’impôts est intrinsèquement complexe). On peut la réduire en décomposant la tâche en étapes simples. La charge extrinsèque est celle ajoutée par un mauvais design : une navigation confuse, un jargon incompréhensible, une mise en page chaotique. C’est sur celle-ci que le designer a le plus de pouvoir. Enfin, la charge essentielle (ou « germane ») est l’effort mental constructif, celui nécessaire à l’apprentissage et à la mémorisation. Une bonne interface minimise les deux premières pour laisser un maximum de « bande passante » cérébrale à la troisième.

Étude de cas : La puissance des micro-interactions

Les micro-interactions bien conçues sont un excellent exemple de réduction de la charge cognitive. Quand vous cliquez sur « Ajouter au panier » et que l’icône du panier s’anime subtilement pour montrer qu’un article y a été ajouté, l’interface vous donne un feedback instantané. Vous n’avez pas à vous demander « Est-ce que mon clic a fonctionné ? ». De même, un indicateur de chargement clair après la soumission d’un formulaire élimine l’incertitude et l’anxiété. Ces petits détails, en confirmant immédiatement les actions de l’utilisateur, éliminent des micro-doutes et maintiennent son esprit focalisé sur son objectif, et non sur le fonctionnement de l’outil.

Au final, une interface invisible n’est rien d’autre qu’une suite de conventions et de standards si bien appliqués que l’utilisateur navigue d’instinct. Elle ne le surprend pas, ne le défie pas, ne le fait pas réfléchir. Elle se contente de fonctionner. Et c’est précisément ce silence qui est la marque d’un design exceptionnel.

Questions fréquentes sur la conception d’interfaces utilisateur efficaces

Quelle est la première étape pour créer une bonne interface utilisateur (UI) ?

La première étape n’est pas de dessiner, mais de comprendre. Il s’agit de mener la phase de recherche UX (Expérience Utilisateur) pour définir qui sont les utilisateurs, quels sont leurs objectifs et dans quel contexte ils utiliseront le produit. Une UI réussie est la traduction visuelle d’une stratégie UX solide. Commencer par l’esthétique sans cette base est la recette d’un échec.

Combien coûte la création d’un design system ?

L’investissement initial pour un design system peut être conséquent, car il nécessite du temps dédié de la part des designers et des développeurs pour créer et documenter les composants. Cependant, son retour sur investissement (ROI) est très rapide : il accélère drastiquement le développement de nouvelles fonctionnalités, réduit les coûts de maintenance et garantit une cohérence de marque, ce qui en fait un actif stratégique majeur pour toute entreprise en croissance.

Comment tester si une interface est vraiment intuitive ?

Le test le plus simple et efficace est le « test du couloir » : prenez une personne qui n’a jamais vu votre interface, donnez-lui un objectif simple (« trouvez comment changer votre mot de passe ») et observez-la en silence. Si elle hésite, se trompe ou doit réfléchir à haute voix, vous avez identifié des points de friction. L’intuitivité se mesure au silence et à la fluidité de l’action, pas à l’opinion de l’utilisateur.

Rédigé par Camille Garnier, Camille Garnier est une designer UX/UI avec 8 ans d'expérience, spécialisée dans la conception d'interfaces centrées sur l'utilisateur. Sa démarche unique combine une formation en psychologie cognitive avec une expertise pointue en design d'interaction.