Publié le 11 mai 2024

Contrairement à une idée reçue, le balisage ne sert pas qu’à afficher des pages web ; c’est un système universel pour donner du sens et une structure à l’information.

  • Des langages comme XML créent des « boîtes intelligentes » pour des données critiques comme vos transactions bancaires.
  • Le Markdown vous permet de structurer vos écrits au quotidien, souvent sans même y penser.

Recommandation : La prochaine fois que vous interagirez avec une application ou un service en ligne, pensez à la structure de données invisible qui le rend possible, bien plus qu’à son simple aspect visuel.

Lorsque l’on évoque le terme « langage de balisage », l’esprit s’oriente presque instinctivement vers HTML, le pilier de la construction des pages web. On imagine des balises comme `

` ou `

` dont le seul but est de dire à un navigateur comment afficher du texte. Cette vision, bien que correcte, est terriblement réductrice. C’est comme regarder un iceberg et ne voir que la pointe émergée, ignorant la masse colossale qui lui donne sa structure et sa puissance sous la surface. Le véritable enjeu du balisage n’est pas la présentation, mais l’organisation, la classification et la transmission de la connaissance.

Le besoin de séparer le fond (le contenu, l’information brute) de la forme (sa mise en page) est un problème universel de la gestion de l’information. Imaginez une bibliothèque où les livres n’auraient ni titre, ni auteur, ni catégorie sur leur tranche. Retrouver une information deviendrait une quête impossible. Les langages de balisage sont précisément cela : un système d’étiquetage sophistiqué, une sorte de métadonnée intégrée qui transforme un chaos de données brutes en une collection ordonnée et intelligible, non seulement pour les humains, mais surtout pour les machines.

Notre angle d’approche, tel un archiviste numérique, sera de considérer ces langages non pas comme des outils d’affichage, mais comme des instruments de classification. Nous allons découvrir que le balisage est avant tout l’art de construire des « boîtes » d’information intelligentes et universelles. Cet article vous fera voyager bien au-delà de la page web pour explorer comment XML dicte les règles de nos transactions financières, comment Markdown est devenu la lingua franca de la documentation collaborative, et comment le concept de « contrat de confiance » garantit l’intégrité de nos échanges de données à l’échelle d’un pays entier.

Pour naviguer dans cet univers structuré, nous allons parcourir les différentes facettes du balisage. Nous commencerons par son ancêtre le plus illustre, XML, avant de comprendre son duel avec le plus agile JSON. Nous verrons ensuite des applications concrètes et parfois surprenantes, pour finalement revenir aux fondamentaux du web avec une nouvelle perspective.

XML : le grand-père de tous les langages de balisage, qui vous permet d’inventer vos propres règles

Avant que le web ne devienne l’océan d’applications que nous connaissons, il existait un besoin fondamental : permettre à des systèmes informatiques hétérogènes d’échanger des données de manière fiable. La solution fut le XML (eXtensible Markup Language). Sa proposition de valeur est aussi simple que révolutionnaire : là où HTML impose un dictionnaire de balises fixes (`

`, « , etc.), XML vous donne une feuille blanche et une grammaire pour inventer votre propre langage. Vous pouvez créer des balises comme « , «  ou «  qui décrivent la *nature* de la donnée, et non son apparence.

Cette flexibilité a fait de XML le standard absolu pour la structuration de données complexes et critiques. L’exemple le plus parlant se trouve probablement dans votre relevé bancaire. En Europe, la quasi-totalité des transactions interbancaires sont régies par la norme SEPA (Single Euro Payments Area). Cette norme impose un format très strict pour l’échange de données de virement, et ce format est le XML. En effet, 100% des virements bancaires SEPA en France sont encapsulés dans des fichiers XML.

Chaque fichier de virement est un document XML qui structure méticuleusement les informations : IBAN du débiteur, IBAN du créditeur, montant, date d’exécution, motif de la transaction, etc. Un seul fichier peut contenir des milliers d’opérations distinctes, chacune parfaitement décrite par des balises qui ne laissent aucune place à l’ambiguïté. XML n’est donc pas une technologie « dépassée » ; il est le squelette invisible et robuste qui soutient une part massive de l’économie numérique, là où la rigueur et l’extensibilité sont non-négociables.

XML vs JSON : pourquoi le « petit jeune » a détrôné le roi des échanges de données sur le web

Si XML est le roi de la structuration de données d’entreprise, le monde du développement web moderne a largement plébiscité un autre format : JSON (JavaScript Object Notation). La raison de ce succès n’est pas une supériorité technique absolue, mais une meilleure adéquation aux besoins spécifiques des applications web et mobiles. Alors que XML utilise une syntaxe à base de balises ouvrantes et fermantes, JSON s’appuie sur une notation d’objets (paires clé-valeur) directement issue du langage JavaScript, le langage roi des navigateurs.

Cette différence a des conséquences pratiques majeures. Un fichier JSON est nativement compréhensible par un navigateur web, ne nécessitant quasiment aucune transformation (« parsing ») pour être utilisé. À l’inverse, un fichier XML doit être analysé, ses nœuds et attributs extraits, ce qui représente une étape de traitement supplémentaire. Comme le souligne le blog spécialisé Osmova, « L’un des avantages les plus importants de l’utilisation de JSON est que la taille du fichier est plus petite; ainsi, le transfert de données est plus rapide que XML ». Cette légèreté est un atout décisif pour les applications qui échangent constamment des petites quantités de données, comme le rafraîchissement d’un fil d’actualité sur un réseau social.

Pour mieux comprendre, imaginez que vous déménagez des livres. XML, c’est comme utiliser des caisses en bois robustes, avec des étiquettes détaillées et des compartiments internes : parfait pour un archivage à long terme, mais lourd et complexe à manipuler. JSON, c’est comme utiliser des sacs réutilisables légers : rapides à remplir, à transporter et à vider pour un usage quotidien.

Visualisation abstraite de structures de données comparant XML et JSON

Cette visualisation illustre bien la différence de philosophie. Le XML (à gauche, cubes métalliques) suggère une structure rigide et imbriquée, tandis que le JSON (à droite, orbes connectées) évoque un réseau plus léger et direct. Le choix entre les deux n’est donc pas une question de « mieux » ou « moins bien » en absolu, mais une question de contexte : rigueur et extensibilité pour XML, légèreté et rapidité pour JSON.

Markdown : le langage de balisage que vous utilisez tous les jours sans le savoir

À l’autre extrémité du spectre de la complexité, loin de la verbosité de XML, se trouve le Markdown. Créé en 2004 par John Gruber, son objectif est radicalement différent : offrir une syntaxe de balisage qui soit la plus lisible et la plus simple possible pour un être humain, tout en pouvant être convertie en HTML. Si vous avez déjà mis du texte en gras avec des astérisques (`**gras**`) sur Discord, formaté un commentaire sur GitHub, ou pris des notes dans une application comme Joplin ou Obsidian, vous avez utilisé Markdown.

Le génie de Markdown est de s’appuyer sur des conventions typographiques déjà existantes dans les e-mails et les fichiers texte bruts. Une étoile pour un élément de liste, un dièse pour un titre, des tirets bas pour l’italique… La syntaxe est si intuitive qu’elle se fait oublier. Elle permet de structurer un document (titres, listes, liens, images) sans jamais quitter son clavier ni être distrait par des boutons de mise en forme. C’est le langage de balisage centré sur l’humain par excellence, conçu pour la vitesse et la fluidité de l’écriture.

Son adoption est massive et silencieuse. Des millions d’utilisateurs sur des plateformes techniques et collaboratives l’emploient quotidiennement, faisant de lui la véritable lingua franca de la documentation technique et de la prise de notes. En France, ses usages sont omniprésents :

  • Documentation technique sur GitLab/GitHub pour les projets de la French Tech.
  • Prise de notes avec des applications comme Joplin ou Obsidian.
  • Rédaction d’articles pour les générateurs de sites statiques (Hugo, Jekyll).
  • Messages formatés sur Discord, Slack et autres messageries modernes.
  • Création des fichiers `README.md` qui sont la porte d’entrée de la quasi-totalité des projets open-source.

Markdown incarne parfaitement l’idée de séparation du contenu et de la forme. L’auteur se concentre purement sur le texte et sa structure logique, et un programme se charge ensuite de le transformer en une page HTML bien formée, un PDF ou tout autre format. C’est l’outil de l’archiviste pressé, qui a besoin d’organiser sa pensée rapidement et sans friction technique.

Le contrat de confiance : comment les schémas garantissent que vos données balisées ne contiennent pas d’erreurs

La grande force de XML, qui est d’inventer ses propres balises, est aussi sa plus grande faiblesse potentielle. Si deux systèmes veulent échanger des données, comment s’assurer qu’ils parlent exactement le même « dialecte » XML ? Comment garantir qu’une balise «  contient bien une date au format AAAA-MM-JJ et non du texte libre ? C’est ici qu’intervient une notion fondamentale, mais souvent méconnue : le schéma. Un schéma est un document qui définit les règles d’un fichier XML. C’est une sorte de « constitution » qui dicte quelles balises sont autorisées, dans quel ordre elles doivent apparaître, et quel type de données elles peuvent contenir. C’est un véritable contrat de confiance entre l’émetteur et le récepteur des données.

Un fichier XML est dit « valide » uniquement s’il respecte à la lettre les règles définies dans son schéma (souvent un fichier XSD, pour XML Schema Definition). S’il y a la moindre erreur — une balise manquante, une donnée au mauvais format — la validation échoue, et le fichier est rejeté. Cela garantit une intégrité absolue des données.

Représentation visuelle d'un système de validation de données structurées

En France, l’exemple le plus spectaculaire de ce « contrat de confiance » à grande échelle est la Déclaration Sociale Nominative (DSN). Obligatoire pour toutes les entreprises depuis 2017, la DSN consiste à transmettre chaque mois un fichier XML unique contenant toutes les données de paie des salariés à l’ensemble des organismes sociaux (URSSAF, Pôle emploi, etc.). Ce fichier doit se conformer à un schéma XSD d’une extrême rigueur ; une seule erreur et le fichier est rejeté, avec des conséquences légales et financières potentielles. Grâce à ce système, la DSN a remplacé près de 80 procédures administratives différentes, prouvant qu’un schéma bien conçu est la clé de voûte d’un échange de données fiable et efficace à l’échelle nationale, comme le détaille la documentation de la Déclaration Sociale Nominative (DSN).

Au-delà de la page web : les usages surprenants des langages de balisage

L’idée de structurer l’information avec des balises a infusé des domaines bien au-delà de l’échange de données entre serveurs. Le balisage est devenu un langage universel pour décrire des objets complexes du monde réel et numérique, souvent de manière transparente pour l’utilisateur final. Penser que XML ou ses dérivés ne servent qu’à la bureautique ou aux transactions serait une erreur ; ils sont le squelette de nombreux outils créatifs et scientifiques.

Par exemple, le format SVG (Scalable Vector Graphics), utilisé pour la majorité des logos et icônes sur le web, n’est rien d’autre qu’un fichier XML décrivant des formes géométriques, des couleurs et des chemins. Ouvrez un fichier .svg avec un éditeur de texte, et vous y découvrirez des balises comme « , «  et « . De même, les données géographiques utilisées par des services comme Google Earth sont souvent stockées en KML (Keyhole Markup Language), un dialecte XML qui décrit des points, des lignes et des polygones sur le globe terrestre.

Cette logique s’étend à de nombreux autres domaines. L’initiative Open Data du gouvernement français, par exemple, met à disposition des milliers de jeux de données sur data.gouv.fr disponibles en XML ou JSON, permettant leur réutilisation par des développeurs et des chercheurs. Voici quelques applications inattendues où le balisage joue un rôle central :

  • Sauvegarde de playlists musicales : Il est possible, par exemple, pour exporter ses playlists YouTube en XML, créant un fichier structuré qui peut être archivé ou importé dans d’autres services.
  • Partitions de musique : Le format MusicXML est devenu le standard pour échanger des partitions entre différents logiciels de notation musicale (comme MuseScore ou Finale), préservant chaque note, silence et nuance.
  • Configuration d’infrastructure : Les fichiers de configuration pour des technologies cloud de pointe comme Kubernetes utilisent souvent YAML, un langage de balisage conçu pour être plus lisible que JSON, mais servant le même but de sérialisation de données.

Ces exemples montrent que le besoin de décrire l’information de manière structurée est universel. Que ce soit pour une note de musique, une frontière de pays ou une playlist vidéo, le balisage offre un moyen standardisé de capturer l’essence d’un objet et de la rendre exploitable par des machines.

Votre site est-il juste un tas de «  ? L’importance capitale du HTML sémantique

Après ce détour par le monde varié du balisage, revenons à notre point de départ : le HTML. Fort de notre nouvelle compréhension, nous pouvons maintenant le regarder différemment. Le HTML n’est pas, ou ne devrait pas être, un simple outil pour « mettre des choses sur une page ». Utiliser des balises `

` partout, avec des classes comme `class= »titre »` ou `class= »menu »`, est une approche obsolète. C’est l’équivalent de stocker toutes ses données dans des boîtes en carton anonymes. Le HTML sémantique, lui, consiste à utiliser les balises appropriées pour décrire la *signification* et le *rôle* du contenu.

Utiliser `

` pour l’en-tête, `
Rédigé par Lucas Leroy, Lucas Leroy est un développeur full-stack senior avec 10 ans d'expérience dans la construction d'applications web de A à Z, de la base de données à l'interface utilisateur. Il est spécialisé dans les écosystèmes PHP et JavaScript et passionné par le mentorat de jeunes développeurs.